Le mouvement du 20 février ou le coup d’Etat chronique

14.07.2011 | Salah Elayoubi |  eplume.wordpress.com

Le Maghzen, avait tablé sur son essoufflement.

Les démocrates avaient craint pour la vie de ses dirigeants.

Les capitales occidentales le qualifiaient d’exception marocaine.

Nos pseudo-gauchistes, ceux que le régime avait pris sous son aile, y voyaient une sorte de crise d’adolescence que la faim et la soif allaient épuiser et ramener à la maison.

Au Palais, on avait imaginé une énième ruse, pour le vider de sa substance.

Cinq mois plus tard, le Mouvement du 20 février est toujours là.

Il a, non seulement, résisté à l’épreuve du temps et à celle des complots, mais il a mûri, s’est bonifié et appris à se jouer des pièges et des attaques du régime pour le réduire au silence, le discréditer ou jeter l’opprobre sur ses membres.

Ce qui avait commencé comme une kermesse dominicale, tout juste gâchée par une pluie matinale, s’est transformé en une formidable caisse de résonance des revendications du peuple marocain, après un demi-siècle de répression aveugle.

Inquietés par son succès grandissant et son effet d’entraînement, les caciques du régime, et ceux acquis à ses desseins les plus sombres, donnent de la voix, pour expliquer à qui veut bien les entendre, que le mouvement aurait perdu toute crédibilité, car noyauté par les islamistes.

Que penser, dès lors, en terme de crédibilité, de ce régime qui, déjà, sous Hassan II, avait instrumentalisé l’Islam  et qui, aujourd’hui, reprend les mêmes archétypes, n’hésitant pas à mobiliser « ses islamistes », auxquels il prend la précaution d’adjoindre, en guise de supplétifs, des crapules de bas étage ?

L’air de rien, le roi nous a rejoué la vieille partition de la constitution réformée et du référendum. Et non content de gagner une partie facile, il s’est acharné, toute honte bue, jusqu’à amplifier sa victoire par le truchement de la fraude, pour la transformer en plébiscite stalinien pour lui-même.

En renouant avec les pratiques que l’on croyait enterrées avec son père, Mohamed VI apporte un cinglant démenti au mythe que nous serions entrés dans une nouvelle ère.

En réalité, on l’aura compris, jamais la monarchie ne s’amendera, car elle se retrouve comptable de plus d’un demi-siècle d’atrocités, de prédation économique et de confiscation des libertés les plus élémentaires. Les courants jusqu’au-boutistes, gravitant autour du palais et qui sont impliqués dans les crimes de sang ou les crimes économiques, n’auront de cesse de faire barrage à toute initiative démocratisante, afin de protéger leurs arrières.

Toutes les mesures prises pour, prétendument, racheter, réparer ou effacer les crimes de la monarchie relèvent de la cosmétique, comme cette Instance Equité et Réconciliation au goût amer d’inachevé ou ces différentes commissions aussitôt nommées, aussitôt mises en sommeil. Si au moins le régime avait la décence de ranger au placard ses bourreaux repus et vieillissants, au lieu de continuer à utiliser leurs sévices, empruntés à l’ère de Hassan II.

Le roi qui a amplifié de façon exponentielle, la prédation économique et y a associé sa famille, sa belle-famille, son entourage et ses amis de l’étranger, n’a, désormais, plus d’autre choix que la fuite en avant.

Concéder de véritables pouvoirs au peuple, remettrait sérieusement en question la tranquillité dans laquelle baignent ses affaires et l’impunité avec laquelle il les entreprend, en abusant de ses pouvoirs.

Courir le risque de devoir, un jour, s’expliquer sur l’origine de la fortune de la famille royale, ou encore rendre des comptes sur le recel et le blanchiment des fonds détournés par son père, ne doit pas nécessairement vous aider à trouver le sommeil du juste.

Jusqu’à son confort personnel qui serait menacé, la liste civile exorbitante dont il bénéficie, pouvant, dès lors, être contestée et discutée publiquement par un parlement souverain. Sans oublier cette lamentable affaire aux relents d’escroquerie, que constitue la vente des palais royaux par Hassan II aux domaines. Le roi en est l’usufruitier autoproclamé et pourtant, nous devons en assurer le luxueux entretien.

Tout dans le comportement de Mohamed VI, met sérieusement en doute son honnêteté intellectuelle, sinon son honnêteté tout court. Refusant obstinément d’entendre la voix de la raison et celle de la sagesse, il s’est consciencieusement appliqué à rater tous les rendez-vous que lui a fixés l’histoire et ceux que lui a suggérés son peuple.

Nul ne pourra, dès lors, accuser le peuple marocain d’avoir pêché par excès de précipitation, de manque de patience ou de violence. Mais nul ne pourra, non plus, lui reprocher de s’être tu face à l’ignominie, pendant un demi-siècle, puisqu’il n’a jamais cessé de rappeler ses droits légitimes, faut-il le rappeler !

Les jeunes qui marchent aujourd’hui dans nos rues, pour les principes universels de dignité, de liberté ou encore d’égalité, n’ont d’autres armes que des slogans et leurs poitrines. Malgré cela, ils sont pourchassés comme du bétail à qui l’on aimerait faire regagner l’enclos, à coup de gourdin. Ils sont emprisonnés, humiliés, torturés, insultés par des policiers ignorants et voyous, avant d’être livrés à une justice, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’elle est téléphonée. Pour comprendre ce que leur mouvement signifie, il faut se souvenir que leurs propres parents, ont connu les affres de la dictature. Que peut-on souhaiter d’autre, à sa progéniture qu’une vie meilleure que celle que l’on a soi-même vécue ? Ceci explique sans doute cela !

La monarchie, par son comportement inique et ses pratiques douteuses, porte en elle les germes de sa propre destruction. Les jeunes du 20 février ont, sans doute, compris que le temps travaillait pour eux. Et même s’ils expérimentent jusque dans leur chair, le prix du succès, ils font mieux qu’un coup d’Etat ou un putsch de palais. Ils ébranlent chaque jour, un peu plus le pouvoir.

Marquons une pause et souvenons-nous de ce fameux Mémorandum que le Cheikh Yassine avait adressé en début de règne à Mohamed VI. Deux phrases y prennent, aujourd’hui une signification toute particulière:

La première exprime l’espoir fou, de voir le pays malade de sa dictature, entrer en rémission et prendre la place qu’il mérite dans le concert des nations civilisées. Elle disait en substance :

– « Le jeune monarque, Mohammed VI, jouit d’un capital-sympathie évident auprès de la jeunesse marocaine. Celle-ci semble découvrir en lui un copain, un symbole de délivrance et une promesse fraîche d’un avenir meilleur. Pendant les premières semaines de son règne, et partout où sa campagne d’inauguration le conduisit, le jeune roi est salué avec un enthousiasme juvénile réel et débordant »

La seconde est moins légère, puisqu’elle nous racontait déjà, l’histoire d’une faillite annoncée, et dont nous aurions bien fait l’économie :

– « On ne peut continuer à jeter la poudre aux yeux du monde, quand le Maroc est sur le fil du rasoir. On ne peut agir de la sorte quand le compte à rebours est déclenché. »

Il est pour le moins naturel que l’ego faisant, chacun de nous s’éprouve meilleur que son voisin. Cela relève presque de l’instinct de survie. Mais qu’une infime minorité pense qu’elle pourra, ad vitam aeternam, entretenir la légende qu’elle aurait droit de préemption sur plusieurs millions d’individus, relève de la stupidité pure et simple.

 

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7 commentaires pour Le mouvement du 20 février ou le coup d’Etat chronique

  1. on dirait un extrait du baratin « islamiser la modernité » d’abdeslam yassine (« 7afidahou LLAH » comme ils le sacralisent)…
    on sent dans cet article plus de haine que d’analyses, et tant que c’est comme ça, la ROYAUME DU MAROC, peut suivre son bonhomme de chemin, sans prêter attention aux aboyeurs de service..

  2. med dit :

    Tous à la recherche du pouvoir! Et ben, vous ne l’aurez pas, surtout pour les extrémistes, qu’ils soient gaucho ou islamo. Faire du Maroc une république est une chimère et une utopie. Les mouvements contestataires étaient et resteront, et ce n’est pas au 20 février qu’ils sont apparus. La dta, mrketing oblige et pou ne pas sortir du lot, fait un peu printemps arabe . La marque aurait été créée même s’il n’existait pas. Pensons donc terre à terre, et oeuvrons pour le bien de ce pays au lieu de meugler et gesticuler comme des brebis en chaleur et qui ne savent où donner de la tête. Meugler pour meugler où pour qu’on leur apporte à manger jusqu’à devant la porte sans fournir d’effort……..

  3. marokino dit :

    A lire ce billet, on croirait que le mouvement du 20 fév serait une lame de fond qui a révolutionné le Maroc !

    Quand on voit les manifestations de dimanche derner, on a envie de sourire et de se demander si les pro-20 fév vivent au Maroc ou sur une planète lointaine ou dans une bulle hermétque!

    Donner cette importance ridicule au 20 fév, c’est insulter tous les mouvements de contestation sociale qui agitent ce pays depuis des années!

    Si on veut tirer une leçon de ce mouvement, il faut le rammener à sa dimension réelle : c’est àd dire celle d’un nouveau mouvement, lègérement différent des autres mais ni plus important ni moins important !

    Il n’a de la notoriété que grâce aux dizaines de morts tunisiens, aux centaines de morts égyptiens, aux milliers de morts libyens et yéménites, aux innombrables (et malheuresuement impossibles à chiffrer) morts syriens!

    Ne confondons pas folklore et révolution! Ne confondons pas facebook et sacrifices!

  4. fawzi dit :

    Je ne suis pas aussi optimiste que l’auteur. Changer un roi, une dynastie, ou meme un regime est facile. C’est changer la culture et les valeurs qui pose probleme.

    Rappelons qu’au Maroc, la majorite de la population est contre la depenalisation de la rupture du jeune en publique ou meme l’egalite homme-femme en heritage.

  5. dima dit :

    لدينا أكثر من سبب لدعم حركة 20 فبراير

    الحركة مستقلة لأنها بالطبع لم تحد عن المسار الذي رسمته منذ البداية ،فجميع البيانات الصادرة
    عن الحركة وفية لمطالبها التي رفعتها في أول يوم خرجت فيه الى الشارع ، الا اذا كان البعض
    يحسب على الحركة كل جملة قيلت عرضا في مقهى أو في شارع أو في تعليق على الفايسبوك
    فتلك اراء تلزم أصحابها_الذين قد يكونوا من المخزن نفسه- ولا تلزم الحركة وكل من يدعي أن الحركة
    لم تكن واضحة أو ليست كذلك انما لا يستند الى تحليل موضوعي بل يهمه الاساءة لها وشلها.

    لم يرد قط في بيان للحركة أنها تدعو الى الافطار في رمضان أو الى الشذوذ
    ولم تتحدث قط عن نظام الخلافة كبديل.كانت ولازالت مطالبها واضحة وضوح الشمس،
    أهمها ملكية برلمانية ودستورا ديمقراطيا ومحاكمة للفاسدين و المجرمين في حق الشعب
    واطلاق سراح معتقلي الرأي والمعتقلين السياسيين وعدالة اجتماعية…

    http://lakome.com/%D8%B1%D8%A3%D9%8A/49-%D9%83%D8%AA%D8%A7%D8%A8-%D8%A7%D9%84%D8%B1%D8%A3%D9%8A/7072-%D9%84%D8%AF%D9%8A%D9%86%D8%A7-%D8%A3%D9%83%D8%AB%D8%B1-%D9%85%D9%86-%D8%B3%D8%A8%D8%A8-%D9%84%D8%AF%D8%B9%D9%85-%D8%AD%D8%B1%D9%83%D8%A9-20-%D9%81%D8%A8%D8%B1%D8%A7%D9%8A%D8%B1.html

  6. dima dit :

    « Le pire dans cette attitude est la lâcheté avec laquelle le roi aborde
    le problème, en tentant de se dédouaner de ses responsabilités, au
    détriment de ses compagnons de despotisme et de prédation, comme
    le garnement qui impute à ses camarades ses errements :
    C’est pas moi, M’sieur, c’est lui ! » »

    http://www.demainonline.com/2011/10/29/candeur-et-decadence/

    « Marquons une pause et souvenons-nous de ce fameux Mémorandum
    que le Cheikh Yassine avait adressé en début de règne à Mohamed VI »

    Citer Yassine est un blasphème chez les citoyens dits « démocrates »…

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