Des véritables patriotes et défenseurs de la monarchie marocaine

Parmi les prouesses réalisées par “le mouvement du 20 février” : Faire intéresser les jeunes à la politique. Jusqu’alors, la plupart d’entre eux s’occupent à commenter les matchs du Calcio, les dernières voitures ou innovations technologiques, et leur approche à la politique marocaine ne pouvait se faire que par de l’humour ou de la moquerie, donc de manière superficielle. Suite aux révolutions qui se propagent dans les pays culturellement et géographiquement proches, les voilà soudain propulsés devant la question quasi-existentielle et très sérieuse de savoir : Est-ce que le Maroc va bien ou pas ? Les discussions qui se sont alors ouvertes, notamment sur internet, dévoilent la pauvreté intellectuelle et la quasi-absence de conscience politique d’une frange de notre jeunesse. La peur et la tension sous-jacente au contexte international actuel altérant d’avantage la raison et le sens des réalités. Rien de bien étonnant à cette situation, nous savons depuis longtemps la méfiance et la désaffection des jeunes pour la chose politique. Ils ne lisent que rarement les journaux, et la propagande de l’Etat leur a inculqué qu’une information ou étude critique est soit fausse soit commanditée par « les ennemis de la nation ». Par conséquent, dans les débats ainsi ouverts, la réplique des défenseurs d’une « bonne santé de la société marocaine » en arrivent vite à s’attaquer aux personnes, certainement à défaut de pouvoir argumenter sur le fond. Les discussions ne portent pas sur si le Maroc va bien ou pas, mais sur qui sont les défenseurs du Maroc et de sa « stabilité » et qui sont les perturbateurs qui veut semer la zizanie. Pire comme dichotomie : qui aiment le Roi et qui ne l’aiment pas. Les critiques du système et les initiateurs du mouvement du 20 février au premier plan passent pour être antipatriotiques lorsqu’ils ne sont pas accusés carrément de servir (encore) « les ennemis de la nation ». J’exhorte tout le monde à cesser de dresser les uns contre les autres. Nous avons besoin de nous entendre et de nous écouter, et il ne sert à rien ni à personne de faire de la surenchère dans la moquerie et l’insulte. En attendant, je propose un retour sur une partie de notre histoire afin d’aider peut être tout le monde à discerner qui sont les véritables patriotes et défenseurs de la monarchie marocaine.

Repères de l’histoire

Nous sommes dans les années 40 du siècle dernier. Le Maroc est un pays qui semble prospérer. Constructions de routes, d’édifices, de chemins de fer, de barrages comme celui de Bine elouidane, modernisation des ports et des gares. Construction d’écoles dans les villes et villages et d’hôpitaux. Explorations minières et exportations en hausse. A vue d’oeuil, le Maroc bouge en cette époque là. En réalité, les français construisent les infrastructures leur permettant de tirer le meilleur profit de leur l’exploitation de notre terre et, c’est logique, servent avant tout la population des colons français sur place qui s’approprient les terres les plus fertiles. Aujourd’hui, cette situation n’a pas totalement changé, les intérêts français continuent à dominer une grande part de l’économie marocaine. Tout comme aujourd’hui, et face à la situation de l’époque, un groupe d’agitateurs et de perturbateurs réunis autour du parti de l’istiqlal exigent des changements. Ils n’acceptent pas la situation car ils ne la trouvent pas juste, elle sert une minorité et ignore le reste de la population. Ils exigent de la liberté et de l’équité. Ils revendiquent même de la démocratie. Pour certains caïds complaisants envers la France coloniale, l’idée même du suffrage universel est une offense. L’idée que l’on doive être élu pour gouverner et que n’importe quel roturier peut y prétendre leur est insupportable, eux qui ont hérité de leur pouvoir des mains de leurs ascendants. Ces mouvements progressistes menaçaient donc directement leurs privilèges et rien n’était épargné pour leur barrer la route. Tel fût le Glaoui, pacha de Marrakech, qui affirmaient à qui voulaient bien l’entendre que les marocains ne sont pas prêts pour la démocratie, et que le Maroc n’est pas prêt pour l’indépendance. Il est affligeant aujourd’hui, en 2011, d’entendre certains de nos concitoyens avoir le même genre de réplique, et prétendre que le peuple marocain ne mérite pas encore la démocratie en s’offusquant devant la violence de certains émeutiers. Revenons à l’histoire, à l’époque, le Sultan Mohamed V avait visiblement la fibre sociale et se montrait à l’écoute du peuple et de ses revendications, notamment du Manifeste de l’indépendance. Le Glaoui et tout le clan des caids et autre féodaux partisans du statu quo lui soutenaient que ces jeunes istiqlaliens, fassis de surcroit, veulent lui prendre son pouvoir et que s’ils continuaient à les écouter, il allait perdre son trône. Le Sultan poursuivit quand même son combat aux cotés des progressistes, ayant foi en le bien fondé de leur idéal. La rupture était consommée avec les caids et le Glaoui a leur tête. Ce dernier mena une campagne qui aboutissait à la déposition du Sultan et à la nomination de Ben arafa à sa place. L’histoire donnera tort à ces caids d’une manière éclatante, puisque ces mêmes progressistes qui étaient accusés d’atteindre à la sécurité de l’Etat à la monarchie jouèrent un rôle décisif dans le retour de Mohamed V sur le trône.

Aujourd’hui encore, l’histoire se répète. Le Maroc demeure un pays sous-développé. Les vitrines des quartiers chics témoignent de la disparité des revenus par rapport au reste du pays dont peu de personnes se soucient. Aussi, le développement d’un pays ne se mesure pas uniquement à la quantité de béton coulé. Par contre, savoir qu’une partie de ce béton provient du braconnage du sable de nos plages et qu’il est coulé par une main d’oeuvre dont on ne respecte aucun article du code du travail renvoi à ce dont j’entends par sous-développement et qui ont pour l’exemple permis cela : Corruption à tous les niveaux, économie sous-terraine et opaque, services publics d’éducation et de santé délabrés, un système judiciaire arbitraire car non indépendant, violation du code du travail et autres règlements, le tout administré par un système politique discrédité (à raison) et totalement dépendant du pouvoir dominant qui échappe à la volonté du peuple. Sous-développé. Essayez par exemple de décrire un appareil téléphonique datant des années 90, il fonctionne peut être mais ça reste un téléphone impropre aujourd’hui.

De la méthodologie et du débat de fond

A ceux qui estiment que le « Maroc bouge », je propose un débat de fond et j’oppose les chiffres et indicateurs suivants :

Indice de corruption : (Transparency International) le Maroc est classé 84e avec une note de 3,4/10

Indice de libertés économiques relatif à la corruption41,5% avec une régression de 36% entre 1999 et 2004.

Indice de développement : (PNUD) le Maroc a obtenu en 2010 0,567 loin derrière la moyenne mondiale (0,624). La Tunisie, la Jordanie et l’Egypte font nettement mieux que nous. Pas « d’exception marocaine » à ce niveau.

Global Competitiveness Index 2010–2011 : (Forum économique mondial) 75e place (la Tunisie 32). Voir le tableau affligeant suivant issu du  même rapport et remarquez que nous sommes considérés encore à l’étape 2/5 de développement :

Pourcentage d’analphabétisme : 38,5%, dont 54% en milieu rural.

Indice de démocratie : (Economist Democracy index) 120e, juste derrière l’Egypte, avec une note de 3.88 classant notre pays en tant que « Authoritarian regimes ». Le PNUD lui nous donne un zéro pointé.

Liberté de la presse : (RSF) L’indice 2009 classe le Maroc 127ème sur 175

Chômage : qui sait ? les chiffres avancés par le HCP sont invérifiables alors qu’un institut digne du nom indique obligatoirement la méthode de calcule utilisée.

% de personnes sous le seuil de pauvrete : (PNUD) 28%

Droit humains : Torture dans les centres de détention ; Limitation du droit syndical (en violation du code du travail) ; SMIG non respectés et salariés non déclarés à la CNSS ;

Situation géostratégique : Nous sommes toujours les protégés de la France (qui continue de construire plein de choses chez nous) et c’est toujours le même blocage avec nos voisins frontaliers.

Liberté d’opinion ? Toujours en panne, ex : (Chakib Khyari, Mustapha adib, ) ainsi que les harcèlements dont sont victimes certains jeunes actuellement qui animent les manifestations pacifiques.

L’injustice ? L’IER dont on se réclame a permit aux victimes d’exorciser leur calvaire et, pour certains, de repartir avec des sous, mais la justice consiste à juger les coupables et à les condamner, chose qui n’a toujours été pas faite. Pire, le système continue à permettre l’impunité face à l’arbitraire.

Vous voulez contredire, vous êtes les bienvenus. Nul n’est censé détenir la vérité ultime et le but de discussion n’est pas de fermer la gueule à son interlocuteur mais d’améliorer conjointement l’opinion de chacun. Cela dit, pour contre dire un message il faut répondre au dit message et non pas à la personne qui le porte. Quelque soient ses idéaux politiques, son opinion sur la religion, son lieu de résidence, son passé ou son futur. Autrement, s’attaquer à la personne au lieu de son message signifie tout simplement la faillite de ses arguments.

Aujourd’hui,  les mouvements progressistes demandent au Roi, tout comme leurs prédécesseurs auprès de son illustre grand père, d’aller d’avantage dans le sens de la démocratie, toute proportion gardée bien sûr avec les héros de l’indépendance de notre pays. Il n’est pas question de démagogie ici mais de mesures concrètes et réalistes : Réunir le peuple autour d’une nouvelle Constitution démocratique ; Régner et arbitrer sur les fondamentaux de notre nation et laisser au peuple la tâche ingrate de mener un gouvernement qui rend des comptes et de juger impartialement en appliquant la loi et l’Etat de droit. C’est la solution proposée à nos maux, c’est la proposition de ce mouvement des jeunes, mais aussi celles bien avant eux des mouvements progressistes marocains d’hier et d’aujourd’hui.

Enfin, je tiens à dire qu’il est tout de même culotté de la part de certains de critiquer les mouvements progressistes actuels en arguant que le Maroc « a fait des progrès en matière de droits de l’homme ». Ils oublient peut être que c’est grâce à ceux là même qu’ils insultent que le Maroc a progressé, sortant peu à peu de la barbarie des années de plomb. Ces progrès dans les droits humains ont été arrachés au prix de sacrifices ultimes et ce pour nul autre intérêt que celui de tout le peuple. Aujourd’hui encore, les sit-in pacifiques sont réprimés comme hier à Bab el had où certains dont la présidente de l’AMDH ont fini à l’hôpital. En retour, les militants progressistes ne reçoivent ni gratitude ni confiance, mais les projections stéréotypés de toute une frange de la société partisante du statu quo. Décidément, servir notre pays est doublement ingrat, car en plus de se heurter à la rigidité du système, il faut supporter les peurs et les angoisses de ses concitoyens. Mais, comme dit on en arabe, « Sayyidou n’naassi khadimouha » (le plus noble des gens est celui à leur service).

22.02.2011 |  Réda Chraïbi |  www.redachraibi.com/wordpress

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