l’imam Abdellah Nahari suspendu pour avoir critiqué les « intouchables »

Un célèbre imam suspendu pour avoir critiqué les « intouchables »,les « voleurs » et…Mawazine

Abdellah Nhari lors de son prêche du 15 avril

Rabat.– Abdellah Nhari, un célèbre prêcheur de la mosquée Al Kawtar d’Oujda vient d’être interdit de prêche par le ministère des Habous et des affaires islamiques. On reproche à ce cheikh médiatique, et très électrique, dont les prêches du vendredi sont filmés, et grâce à YouTube diffusés sur le net, d’avoir « parlé politique » lors de sa « khotba » du vendredi 15 avril.

En réalité, selon des proches de cet imam, sa disgrâce a pour cause sa demande d’annulation des concerts de deux festivals, dont l’un n’est autre que celui deMawazine, le petit joujou de Mohamed Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi.

« L’imam du bâton », comme on le connaît, car portant en permanence une vigoureuse et solide canne avec laquelle il martèle le sol pendant ses prêches enflammés, n’est pas allé de main morte le vendredi 15 avril.

Dans ce prêche qui a été filmé (Voir vidéo) et largement diffusé sur le net, Abdellah Nhari défend « le droit du peuple à vivre en liberté et en dignité » et appelle à la lutte contre la corruption qui gangrène l’Etat.

Nahri ne prend pas seulement fait et cause pour les révoltés et les soulevés du monde arabe mais il reprend aussi à son compte toutes les revendications du mouvement du 20 février. Sans oublier de rajouter à son monologue un brin de phraséologie  islamiste quand, par exemple, il lance un violent réquisitoire contre les athées, les consommateurs de drogue et autres « égarés ».

Mais son discours fait mouche auprès de son assistance quand il s’en prend, sans la nommer, à la ministre « de la solidarité sociale qui prône l’égalité des sexes en Islam ». « Elle devrait être présentée devant un tribunal si les lois de ce pays étaient respectées », lance-t-il à son auditoire. Nouzha Skalli, ministre du développement social, de la famille et de la solidarité appelle à « la consécration de la culture de l’égalité entre les deux sexes ».

Le discours de Nhari, qui peut paraître extrême à l’extérieur du royaume, est pourtant conforme aux normes oratoires et religieuses du Maroc où les imams, qui sont des fonctionnaires de l’Etat, sont très conservateurs et assez pointilleux quand il s’agit du respect dû à l’islam et à ses commandements. Surtout que Abdellah Nhari, qui possède une page web, www.nhari.net, très visitée de l’intérieur comme de l’extérieur du Maroc, n’en est pas à son premier « parlé politique« . YouTube atteste que depuis des années l’imam s’est donné à coeur joie à la chose politique sans qu’on trouve rien à redire en haut lieu.

Apparemment là où le bât a blessé c’est quand ce cheikh charismatique a évoqué « Les intouchables », un terme qu’il a utilisé en français et qui désigne les membres de l’entourage royal, « qui sont partout présents dans l’économie du pays (…) pillent (…) volent, etc… ». Et en particulier quand il a dédié une partie de son prêche contre le festival de Mawazine, la petite créature honnie de Mohamed Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi et l’une des personnalités les plus détestées au Maroc.

Et là, ça ne passe plus. Après ce prêche, le cheikh Nhari a été convoqué par la police qui l’a longuement interrogé avant de lui interdire de remettre les pieds dans sa mosquée. Puis, quelques jours plus tard, il a reçu du ministère des Habous et des affaires islamiques un courrier lui notifiant sa suspension de ses fonctions d’imam de la mosquée Al Kawtar.

Et oui, au Maroc on peut demander qu’une ministre du gouvernement soit jugée, mais pas que le festival d’un « intouchable » soit annulé.

27.04.2011 |    Badr Soundouss | Demain online